Un film de François Ozon est toujours un petit événement en soi. Alors, même si on sait que ce sujet d'actualité est délicat et douloureux, on y va. Justement pour découvrir l'angle sous lequel il le traite. Et bien on n'a pas été déçu. Pendant plus de deux heures, il reconstitue le puzzle entre Enfer et Purgatoire, aveux et non-dits. De terribles histoires de jeunes vies broyées qui font aujourd'hui trembler l'Église.
Ces histoires sont celles d'hommes qui unissent leurs voix pour faire enfin entendre ce que l'on a voulu ignorer ou faire taire. Celle de parents aveugles, sourds et muets face aux révélations de leur enfant. Celles de ceux qui dénoncent l'horreur subie par leur enfant, sans être entendus. Celle du curé qui reconnaît chaque accusation portée contre lui. Et qui de surcroît, dit avoir prévenu de ses agissements, sans jamais avoir été entendu, stoppé et soigné. Et enfin celle de l'Église.
On la découvre de l'intérieur. Une Église toute puissante qui veut protéger coûte que coûte l'institution, tout en donnant l'impression ou l'illusion de comprendre, de compatir sans pour autant condamner clairement en agissant fermement. Une Église qui organise un espace de parole et de rencontre aussi surprenant que surréaliste et dont on se dit que l'intention semble être de continuer à tout contrôler, en imposant une force d'inertie implacable.
En donnant la parole à chacun, Ozon fait de nous à la fois des enquêteurs, des complices, des témoins, des jurés libres de se fonder une intime conviction et des juges, du point de vue moral, de ce drame. Bien qu'impliqués, il nous protège en nous mettant à distance des sentiments et émotions. Une façon de dépassionner le débat, de rester lucide et jauger le fonctionnement d'une institution. Pour les hommes, il y a une justice qui fera son travail...
On ne sort pas indemne de ce voyage entre Ciel et Terre. Entre les plus hautes sphères de l'Église et les plus bas instincts d'un de ses hommes. Entre sombres et douloureux souvenirs et lumière froide d'une vérité crue. Un Ozon qui appuie là où ça fait mal. Une Église qui fera peut-être son mea-culpa pour une évolution indispensable et salutaire. Au-delà du procès à venir, une affaire à suivre...