Bon, ce n'est plus un scoop pour vous, Noël est et demeure LA fête par excellence qu'on déteste tous au GEM. On peut même dire que cela représente une constante tous GEM confondus.

 

Le réveillon avec la sacro sainte famille, quelle horreur ! Pour eux, comme pour nous. Proches et reproches, le couple qui tue dans l'œuf la moindre velléité de désir festif. Pour tout le monde, donc, mieux vaut éviter de convoquer les foudres de ce couple maudit. Résultat, nous n'avons d'autre choix que de rester seul.

 

Cela prend du temps à accepter cette réalité. Mais que vaut un repas de fête si la table devient le ring de nos combats familiaux. Chaque bouchée aurait le goût amère de la culpabilité et de l'injustice, pour les uns comme pour les autres. Alors pour que la tradition soit respectée et que le tableau idyllique, de la famille unie et réunie autour de la grande table décorée et regorgeant de mets subtils, soit préservé, nous en serons les grands absents. Une absence qui vaut de l'or. Le prix exorbitant de notre silence. Notre éviction, qu'elle soit volontaire, subie, imposée, cela n'a aucune importance. Pourvu que la fête ait lieu. Tant pis si nous sommes sacrifiés sur l'autel caché du secret familial. C'est tellement facile de dire aux autres que nous étions invités mais nous avons préféré rester seul ou que nous étions un peu fatigués ou trop abrutis par notre traitement ou encore qu'on aime pas Noël. Pourquoi on n'aimerait pas Noël, comme les autres, si on se sentait accueilli, accepté tel que l'on est, par les siens, au moins ?

La parade, on la trouve dans la fuite. Dormir, assommé par une surdose de médicaments, fumer, boire... On a tout un tas de possibilités.

Et puis, heureusement, dans ce marasme, on a le GEM. Alors, on se retrouve, entre nous. Là, pas besoin de longs discours. Chacun sait exactement ce que l'autre pense, ressent, vit. Pendant quelques heures, on fait un break. On fait "comme si". Comme si tout était normal. Comme si on était tous loin de chez nous, ou tous orphelins. Pas de famille ou plus de famille. Seuls au monde. Alors, on se regroupe avec ses "congénères".

Ce repas de Noël, on l'a bel et bien fait. Du toast au blinis, de la crevette aux marrons, du boudin noir au blanc, du fromage au dessert, avec la bûche et le café. Tout y était. On l'a fêté cette naissance. Nous aussi, comme tous les autres. Ça fait deux mille ans que ça dure. Alors pourquoi, nous, on ne pourrait pas ripailler aussi. S'enivrer de fous rires et de rires fous. Chanter à tue-tête comme dans l'église d'à côté. L'année prochaine, c'est dit. On recommence. Histoire de perpétuer la tradition et de tordre le cou aux idées reçues. Non, nous ne sommes pas obligés de détester Noël. Ou en tout cas, on a le droit de se mettre un peu de baume au cœur, tous unis et réunis autour de la table décorée, regorgeant de mets subtils, au sein de notre "famille", celle du GEM.